Patric NOTTRET   POISON VERT

 

La Montagne, 7 juillet 2002

Le temps des ecoflics...

Un polar et des idees.

Par Daniel Martin

On a dit la mondialisation et ses méfaits, la délocalisation, l'uniformisation et l'exploitation, mais rien encore de la biopiraterie, cette pratique délictueuse qui, pour rester aussi discrète, doit bénéficier de bien des protections. Patric Nottret est parti de cette constatation pour bâtir son polar. "Je me suis aperçu du vide juridique immense sur toutes les questions d'environnement, en particulier celle du biopiratage... Actuellement, il est possible de voler du matériel génétique dans les pays pauvres. C'est extrêmement lucratif. Et peu sanctionné. Les grandes entreprises de la chimie ou de l'agroalimentaire, procèdent toutes de la même façon. Elles envoient des étudiants sur le terrain avec mission de rencontrer les autochtones, de parler avec les chamans, les sorciers et d'observer les pratiques traditionnelles pour finalement déterminer quelles plantes, quels champignons, quelles moisissures ils utilisent. Ils en prélèvent des échantillons, d'où seront extraits les principes actifs et les molécules intéressantes. Lesquelles seront ensuite testées en laboratoire et synthétisées si elles s'avèrent efficaces. Puis commercialisées au seul profit des industriels occidentaux. Mais on voit des choses plus surprenantes encore. Ainsi, une équipe vient de déposer le brevet du Pozol, une boisson énergétique ancestrale des Mayas. Vous imaginez ça ! Leur versera-t-on des droits ?"

Les apprentis sorciers

Pour dénoncer ces procédés il fallait une intrigue à Nottret. La voici : toute une série de cadavres que l'on retrouve sur le sol français. Tous ont en commun un plante mystérieuse, inconnue. Voilà pourquoi c'est à la FREDE, (brigade spéciale des Fraudes et Délits sur l'environnement - un service qui n'existe pas) qu'est confiée l'enquête et à Sénéchal, son patron, de démêler cette affaire très complexe avec l'aide de son équipe, quelques personnes seulement. Parmi des chimistes et des spécialistes en informatique : de quoi en apprendre beaucoup sur les manipulations en tout genre et les tripatouillages génétiques. Mais avant tout sur les enjeux énormes que représente le biopiratage et tous les paris pris par des apprentis sorciers sur l'environnement et ses multiples ressources. "Je me suis toujours étonné" explique Patric Nottret, "que les barrons de la drogue ne s'intéressent pas plus à ces questions, n'achètent pas des laboratoires de biotechnologie pour travailler sur le pavot ou la marijuana. Je l'ai imaginé. On m'a dit que je devançais de peu la réalité..."

Le message ? "Il est assez simple. Et concerne notre avenir. Il est, comme dit Sénéchal, pour que la prochaine génération soit faite d'héritiers, pas de survivants".

La solution ? "Qu'on arrête pour commencer de faire de la politique politicienne sur le dos de l'écologie. Et que l'on considèrent les problèmes tels qu'ils sont. Actuellement, les forêts, surexploitées, mal exploitées disparaissent, le climat se réchauffe, la banquise fond, chaque année des espèces sont rayées de la carte et que fait-on pendant ce temps ? Des discours ! Pendant que de grands groupes aggravent la situation à coup de milliards de dollars. Quand il suffirait de sommes moindres pour réparer les dégâts causés. C'est au long terme qu'il faut penser, pas au profit immédiat ! La science pourrait avoir d'autres fonctions que d'asservir la nature aux exigences libérales ou des cloner des brebis".

Les OGM ? "C'est un enjeu colossal. Pour lequel les scientifiques se livrent des luttes sans merci. Par exemple, aujourd'hui, deux équipes, l'une chinoise, l'autre américaine, sont en compétition pour mettre au point un riz capable de résister à tout, aux parasites, aux variations climatiques, peut-être même à la sécheresse ! Celle des deux qui va gagner permettra de faire main basse sur toute la culture du riz, dans le monde entier. Pour que de tels hold-up sur la nourriture et sur l'environnement soient possibles, il faut que les politiques soient complices, ou très faibles. Ce qui revient peut-être au même"...

Ainsi, avec ce polar, passe-t-on de la distraction qu'est censée apporter un bon polar à la réflexion sur le monde et son état.

 

Patric Nottret, POISON VERT
Editions Robert Laffont,
366 pages, 21,20 €
La Montagne, 7 juillet 2002
2

 


Marie Lusinchi©2002