Patric NOTTRET   POISON VERT

 

 

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LE POLAR D'UN AGRONOME

ET VOICI L'ECOFLIC !

Pour son premier roman, Patric Nottret a inventé un justicier qui défend la faune et la flore. Réjouissant.

par Anne Crignon

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Il y a toujours eu dans la vie de Patric Nottret de discrets signes extérieurs d'écologisme. Konrad par exemple (comme Lorenz), le jars de 1,50 mètre de haut qui pendant longtemps a vécu dans son petit jardin de Bures-sur-Yvette, ou encore cette colonie de phasmes tropicaux que notre entomologiste amateur approvisionnait chaque soir avec amour en ronces et en herbe tendre. Mais, tout de même, pas de quoi imaginer que ce paisible citoyen mûrissait pour notre démocratie un audacieux programme de défense de l'environnement.

Une brigade policière spécialisée dans les crimes contre la nature: telle est en effet la séduisante invention de Patric Nottret dans son premier roman, un polar original intitulé Poison vert. Le héros, Pierre Sénéchal, est écoflic. Un Sherlock Holmes ès écologie de 2 mètres, le cheveu hirsute et blanchissant, arrivé dans le métier par hasard, mais tout entier dévoué à la Frede - la section de répression des fraudes et des délits sur l'environnement. Son quotidien? Les offenses faites à la faune et la flore - et donc le plus souvent aux populations des pays pauvres. L'an dernier encore Sénéchal démantelait un réseau de trafiquants qui massacraient des rhinocéros pour en vendre les cornes sous forme de poudre de perlimpinpin soi-disant aphrodisiaque; Mais la bête noire de notre investigateur, c'est l'industrie pharmaceutique. «Capitalisme et écologie ne font pas bon ménage», résume aujourd'hui Patric Nottret, en phase avec son justicier.

L'affaire démarre en pleine forêt de Chevreuse dans la verte vallée éponyme. Un promeneur découvre un jeune homme assassiné au pied d'un arbre. Furieusement amoché. Dans la doublure de sa veste, on trouve un sachet avec cinq drôles de feuilles qui, vérifications faites, n'appartiennent à aucune espèce recensée à ce jour sur la planète. Un examen microscopique va mettre en émoi tout le service d'entomologie criminelle qui pourtant en a vu d'autres; Pendant ce temps, à quelques kilomètres de là, une pointure en génétique reçoit à travers l'oeilleton de sa porte d'entrée une décharge de chevrotine qui lui emporte la moitié du visage. Ces deux pistes qui n'en font qu'une vont mener notre écoflic en Amazonie où une poignée de sans-scrupules s'activent pour le compte d'une multinationale baptisée Wirsantex. On se souvient de John Le Carré qui, avec "la Constance du jardinier", lançait cet hiver dans une fiction plus vraie que nature un réquisitoire d'une violence inouïe contre les pratiques criminelles des multinationales de la santé. Aujourd'hui, Patric Nottret, en agronome averti, passe avec application la deuxième couche en dénonçant le biopiratage: "Les laboratoires financent des centres de recherche aux étudiants dans le tiers-monde, font parler les autochtones, rapportent la pharmacopée, les plantes et le mode d'emploi et remercient chaleureusement sans contrepartie."

Un brin fataliste, ce romancier prolixe (quelque 400 pages pleines de digressions scientifiques captivantes et habilement amenées) dissout dans l'ironie le vertige métaphysique que lui inspire le cynisme sans fond des grandes firmes. Ne chercher dans Poison vert ni message ni morale, dit encore Patric Nottret. Quoique... «S'il y a dix mecs qui changent d'attitude après avoir lu mon roman ça sera toujours ça.»

 
Poison vert, par Patric Nottret, Robert Laffont, 368 p. Patric (sans k, son père l'a voulu ainsi) Nottret est né en 1953 à la Réunion, dans une famille de fonctionnaires du ministère de l'Agriculture. Agronome de formation, il a dirigé un bureau d'études spécialisé dans l'environnement avant de se lancer dans l'écriture de polars diffusés sur Radio-France.
Le nouvel Observateur, n° 1960, semaine du 30 mai au 5 juin 2002
 
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Marie Lusinchi©2002